Ghalib Al-Hakkak - agrégé d'arabe, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Vœux officiels à côté des sans abri ! Il y a eu à travers l’histoire tant et tant de rois, de califes et de sultans en tous genres : souverains fondateurs, pieux, tyrans, ivrognes, et même un calife d’un jour. Mais mis à part le abbasside Haroun Al-Rachid, connu en Occident car contemporain de Charlemagne, les Français n’en connaissent pas beaucoup d'autres califes. Les musulmans, eux, accordent une importance exceptionnelle à deux d’entre eux : Omar et Ali. Ce sont le deuxième et le quatrième de l’histoire. Le premier est très apprécié par les Sunnites, mais mal aimé des Chiites. Le second est respecté par les Sunnites, tandis que les Chiites lui réservent une quasi vénération. Les deux ont laissé à la mémoire collective de très célèbres citations sur la vie en communauté. Le premier sut faire preuve d’autorité dans une période difficile, celle du lancement des premières conquêtes. Le second fit face à de multiples contestations de son pouvoir. Mais des deux, on rapporte un mode de vie délibérément simple, sans apparat ni luxure. Et je ne sais pourquoi j’y pense chaque 31 décembre, quand on annonce les vœux présidentiels prononcés de l’Elysée. On attribue à Ali une phrase d’une très grande beauté. Il y est dit, en substance : un gouverneur juste doit s’imposer le train de vie des gens ordinaires parmi ses administrés, pour que les miséreux ne le deviennent pas encore plus pendant son mandat. Je n’irai pas jusqu’à rêver d’une république avec un président smicard, des parlementaires smicards, des ministres smicards, voire bénévoles, mais j’espère qu’un jour viendra où l'on ne parlera plus de sans-abri morts de froid dans la rue, et qu’on ne verra plus d’hommes ou de femmes dormir dans une cabine de téléphone ou élire pour domicile deux mètres carrés sur un trottoir. Ce n’est pas par hasard si aujourd’hui encore, quatorze siècles plus 31 décembre 2014 |