Ghalib Al-Hakkak - agrégé d'arabe, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Le Coran, les juifs et les chrétiens
Mais rappeler cette évidence ne répond pas à la question initiale. Qu’en est-il vraiment du texte coranique ? Comment le lire ? A quelle traduction se référer (il y en a une vingtaine en français) ? Revenons plutôt à la source, à la version arabe. Cherchons combien de fois il est dit qu’il faut tuer juifs et chrétiens. Inutile de tourner autour du pot. Cela n’existe nulle part. Le terme « juifs » apparaît huit fois, et une fois au singulier, sur environ 500 pages (3). Le terme « chrétiens » enregistre quatorze occurrences et une fois au singulier (4). Certes tous les passages correspondants ne sont pas une déclaration d’amour, mais aucun n’appelle au meurtre. Le registre est celui du débat théologique : unicité de Dieu et universalité de la révélation. Nulle part il n’est dit qu’il faut les tuer. Au contraire, les juifs et les chrétiens sont qualifiés de « croyants » auxquels le Paradis est promis s’ils se battaient pour défendre la foi (5). Le Coran établit en effet une continuité entre « Torah, Evangile et Coran » qui sont, du point de vue coranique, une même révélation, dans trois versions différentes, déformée dans les deux premiers cas et préservée dans sa dernière version, le Coran. Allons plus loin. Regardons si le Coran appelle au meurtre d’une personne pour ce qu’elle est ou pour ce qu’elle croit. L’impératif « tue ! tuez ! » apparaît dix fois, pour moitié en rappel d’un épisode biblique. Une différence est à noter entre les verbes qatala (tuer) et qâtala (combattre). Le second doit être compris dans le sens de « se défendre » ou de « résister » et non d’ « attaquer ». Le verbe qatala « tuer », avec des accords divers, apparaît 85 fois, souvent pour évoquer un épisode biblique ou sous forme d’interdit. Le meurtre gratuit est condamné de la manière la plus évidente (6). Il y est assimilé au génocide. Faut-il vraiment continuer cette recherche rudimentaire et un peu artificielle pour savoir si le texte coranique est une déclaration de guerre à l’humanisme, aux droits de l’Homme, à la France ? Ne vaut-il pas mieux lire quelques versets qui prônent la tolérance, comme le II, 256 (Nulle contrainte en matière de religion…) ? Ne faut-il pas s’interroger sur le sens exact du terme muslim (musulman) ? Car le Coran l’emploie pour qualifier les monothéistes (7). Finalement, une façon judicieuse de s’informer réellement au lieu d’engranger et de répéter d’inexacts poncifs, serait de découvrir le Coran par la lecture avant tout des récits bibliques qu’il reprend, d’une manière condensée et éloquente (8). Le Christ y est mentionné 36 fois, Marie 34, Moïse 136, Abraham 69, toujours avec respect. Cela calmerait l’excitation des uns et des autres, et si l’on se donnait un minimum de connaissances en arabe pour ne pas être l’otage de quelques traductions pas toujours bien inspirées, on découvrirait qu’il y a là un texte d’un grand intérêt littéraire, de surcroît important pour comprendre les symboles dans l’actualité du moment. 29 janvier 2015 - MAJ 16 véfrier 2015 (1) cf. vidéo « ça se dispute », i-Télé, 6 juillet 2014 – à partir de 5.01 : https://www.youtube.com/watch?v=ZH2zI3vhfmk |