Enseignement des langues par groupes de niveau

 

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Ghalib Al-Hakkak - agrégé d'arabe, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Langue arabe, internationale ou communautaire ?

Depuis des décennies, le nombre d'élèves étudiant l'arabe dans le secondaire en France est d'une stabilité effrayante. Environ dix mille. Le monde évolue, mais l'offre publique d'enseignement de l'arabe ne bouge pas. L'attente est pourtant immense puisqu'à la sortie du baccalauréat les jeunes se ruent sur les cours d'initiation à l'arabe dans les universités, regrettant que cela n'ait pas été possible plus tôt dans leur parcours. Au lieu de dix mille, on devrait compter cent mille élèves d'arabe en collège et en lycée.


La jeunesse française est désireuse de connaître les autres, à commencer par ceux qui se trouvent sur l'autre rive de la Méditerranée, non pas pour le loisir, mais pour bâtir un avenir de partage, de solidarité, de fraternité, avec les moyens nécessaires pour mieux se comprendre, pour bien voir et analyser son passé, des moyens dont la langue arabe est un élément essentiel, aussi important que le latin et le grec ancien. Et l'arabe, comme toute autre langue, doit être enseigné comme un outil au service de la pensée, de la liberté intellectuelle des élèves, comme outil de communication et d'expression d'une opinion libérée.


Or depuis la fin du XXème siècle et la propagation des chaînes par satellites, on assiste à un amalgame dangereux entre langue arabe et religion musulmane. Non seulement des charlatans en tous genres essaient de faire croire qu'apprendre l'arabe passe nécessairement par des supports religieux, mais des politiciens de tous bords en France tentent d'anéantir la culture arabe commune et toutes ses déclinaisons régionales en les réduisant à un islamisme radical mortifère, par le biais de débats stériles sur les traditions alimentaires ou vestimentaires, alors que c'est par la culture qu'on peut lutter contre l'obscurantisme et l'accès à la culture passe avant tout par l'acquisition de l'outil linguistique : le français, mais aussi les langues étrangères dont l'arabe est une des priorités pour les jeunes Français.


On paraît désemparé face au fanatisme. On se complait à laisser entendre qu'il y a choc de civilisations, que l'innommable est inné chez des personnes issues d'une culture différente, que cette différence est dangereuse, menaçante. On installe ainsi un mécanisme de rejet qui aura toujours besoin de cible et qui ultérieurement risque de se retourner contre d'autres gens, d'autres minorités, ethniques, religieuses ou tout simplement politiques.


On ferait mieux de penser à de vraies réformes de l'éducation dans lesquelles les langues étrangères auraient une place de choix. On ferait mieux de renforcer les liens avec les lieux de richesses dans le monde arabe, non pas ceux où se trouve l'argent, mais les grands centres culturels que sont Bagdad, Damas, Beyrouth, Le Caire, Alexandrie, là où les trésors ne sont pas des puits de pétrole mais des livres, des écrivains, des artistes, des intellectuels. Regarder l'avenir n'est pas toujours facile, mais c'est le devoir de toute femme, de tout homme aspirant à mener une action publique.


Ghalib Al-Hakkak
17 octobre 2016